Pendant que les prix des produits pétroliers sont toujours en hausse malgré les variations à l’international, les sociétés pétrolières qui font le plein de bénéfices stagnent en matière de versement des dividendes à l’Etat togolais. Une bizarrerie que même la Cour des comptes n’ose pas aborder. Et d’autres situations qui font interroger sur les capacités de l’institution à demander des comptes à certaines sociétés.
Qui d’autre devrait porter sur la place publique celles des sociétés et entreprises dans lesquelles l’Etat togolais a des prises de participation, mais qui rechignent à s’acquitter de cette obligation si ce n’est la Cour des comptes ?
Rapport d’observations définitives sur le contrôle de l’exécution de la loi de finances, exercice 2022. Contrairement aux rapports précédents qui sont publiés l’année qui suivait l’exercice écoulé –pour l’exercice 2021, le rapport était rendu public en décembre 2022, et pour 2020, en octobre 2021-, le rapport de 2022 a été publié en septembre dernier. Sans explication aucune. Passons !
Pour nous être appesantis sur ledit rapport, il est apparu trop de situations qui interpellent. Dans le désordre, en voici quelque unes.
En 2020, elles étaient 46 sociétés répertoriées au sein desquelles l’Etat togolais avait des prises de participation. Mais, tel un château de cartes, ce chiffre a fondu comme neige sous un ciel togolais. Puisque l’année suivante, elles n’étaient plus que 19 ! Avant d’être portées à une unité de plus, soit 20 sociétés au total. Et côté prévisions et réalisations, entre 2020 et 2022, les premières étaient respectivement de 23,658 milliards FCFA et 19,746 milliards ; les secondes, les réalisations, sont de 18,974 milliards FCFA et 15,501 milliards. Signe que malgré le nombre de sociétés en 2020, peu étaient celles qui avaient versé des dividendes à l’Etat togolais.
Une incongruité crève les yeux dans le dernier rapport de la Cour des comptes. Parmi les 20 sociétés assujetties au versement, 6 ne se sont pas exécutées. Mais chose bizarre, le rapport n’a pas estimé nécessaire de demander à connaître les raisons de cette légèreté. Tout au plus, la Cour se contente de ce qui suit : « Prévus pour 19 746 822 000 FCFA, les dividendes ont été réalisés à hauteur de 15 501 916 609 FCFA, soit un taux de réalisation de 78,50%. Six sociétés n’ont connu aucune réalisation en 2022 : SNPT, SCAN MIN SA, WACEM, SALT, NSCT, GTA. Par contre pour Africa Finance Corporation (AFC), la Cour constate une réalisation de 77 153 326 F CFA alors qu’aucune prévision n’avait été faite ».
Comment des sociétés qui réalisent des bénéfices peuvent-elles négliger de verser des dividendes sans qu’elles ne soient interpellées ? Dans les obligations du citoyen lambda, aucun cadeau ne lui est concédé lorsqu’il s’agit d’exiger de lui sa contribution aux recettes du pays : péages, taxes, factures d’eau et d’électricité, etc.
Mais dans le rapport de 2021, la même Cour est allée loin pour rappeler certains principes devant certains arguments avancés par certaines sociétés. « Prévus pour 19 487 322 000 francs CFA, les dividendes ont été réalisées à hauteur de 14 690 166 310 francs CFA, soit un taux de réalisation de 75,38%. Selon l’administration des finances, ce niveau de réalisation des dividendes s’explique d’une part, par le non-versement des dividendes par certaines entreprises publiques telles que la SNPT, WACEM-SA et NSCT. En ce qui concerne la SNPT, la Direction des finances évoque « des raisons de dettes réciproques avec l’Etat pour lesquelles la société sollicite une compensation… ». Cette réponse de l’administration des finances amène la Cour à rappeler que le principe d’universalité budgétaire repris par les articles 31 et 32 de la LOLF n° 2014-013 du 27 juin 2014, interdit la compensation entre les recettes et les dépenses », peut-on lire.
Les dividendes bizarres pour ces sociétés…
Si les chiffres d’affaires étaient constants, on pourrait comprendre. Mais dans le secteur des produits pétroliers, la variation –souvent à la hausse- des prix des produits va avec l’augmentation du parc automobile au Togo. Mais curieusement, pour la société COMPEL, les dividendes versés en 2022 sont estimés à 261 millions pour une prévision de même valeur. Un an auparavant, pour des prévisions de 200 millions, les réalisations étaient de 435 millions FCFA. En 2020, la même société avait versé 208,8 millions de dividendes pour des prévisions de…zéro FCFA. Trop facile pour une société qui brasse de l’argent.
Après Compel, suit T Oil. Pour une prévision de 208 millions, T Oil a versé 208,108 millions de dividendes en 2022. En 2021, contre 120 millions de prévisions, elle a versé 119,662 millions FCFA. Presque pas d’écart entre le prévu et le réalisé. Et un an plus tôt, c’est 119,662 millions de dividendes versés pour une prévision de 150 millions.
Société togolaise de stockage de Lomé (STSL). Responsable du stockage des produits pétroliers au Togo, cette société dit avoir versé en 2022, 365,400 millions de dividendes contre une prévision de même valeur. Un an plus tôt, ces mêmes chiffres étaient à l’honneur tant en prévision qu’à la réalisation. C’est en 2020 que les prévisions étaient de 350 millions, mais pour une réalisation de…365,400 millions. C’est à croire que les quantités importées n’ont pas varié d’une année à une autre. Triste comme constat.
Toutes ces « anomalies » auraient dû être relevées par la Cour des comptes qui devraient s’étonner de ces bizarreries. Malheureusement, il n’en est rien et il n’en sera rien. Bref…circulez, il n’y a rien à signaler.
…Et les autres
Toujours dans les rapports, d’autres sociétés se sont signalées. De la même manière, malheureusement. Il en est ainsi de la LONATO qui, pour des prévisions de 6,022 milliards, n’a versé que 3,522 milliards en 2022. Mais, bizarrerie des chiffres, les prévisions et les réalisations en 2021 sont identiques : 6 milliards. Le même chiffre pour les dividendes en 2020 contre des prévisions de 5 milliards.
Logée à la même enseigne que la LONATO, la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) n’a rien versé en 2022 alors qu’elle était supposée s’acquitter de 489,600 millions. La Société nouvelle des phosphates du Togo (SNPT) était attendue pour renflouer les caisses de l’Etat à hauteur de 3 milliards FCFA. A la réalisation, que du vent ! Le crime économique est poussé très loin avec cette société. Parce qu’en 2020 et 2021, la situation était la même : des prévisions de 3 milliards contre zéro franc à l’arrivée. Mais ne nous demandez pas si les fonctionnaires, surtout la direction générale, sont régulièrement payés. Grassement. Où va alors l’argent des phosphates ?
D’autres chiffres scandaleux concernent la société WACEM. En 2022, il n’est prévu que 51 millions de dividendes à verser par cette société. Curieusement, elle n’a rien déboursé comme réalisation. En 2021, ce sont 200 millions qui étaient prévus. A l’heure du bilan, zéro franc versé. Un an plus tôt, soit en 2020, elle a consenti à verser 132 millions de dividendes contre des prévisions de 250 millions. C’est dire que cette société réalise des chiffres d’affaires quand même…
Contre des prévisions de 456,5 millions, la société SCAN Mine n’a pas versé un peso au trésor public du Togo en 2022. SCANDALEUX !.
Une des attributions de la Cour des comptes devrait être de situer les contribuables sur la régularité des dividendes d’une part, mais surtout d’expliquer les anomalies. S’il faut seulement constater et passer à autre chose, ça devient trop facile et banal.
Godson K.
Source: libertetogo.tg