Patauger : c’est le mot qui convient le mieux pour qualifier le spectre politique hideux dans lequel le Togo est plongé depuis quelques mois. Alors que les élections législatives ont permis d’élire 108 députés de la majorité UNIR au pouvoir sur 113 que compose l’Assemblée nationale, le pouvoir est incapable de mettre en place les institutions pour faire fonctionner le pays.

Simplement parce que, dans l’obsession d’ériger le Togo en une monarchie absolue, le régime du Togo s’est précipité à mettre la charrue avant les bœufs.

L’histoire commence en avril 2024, à quelques semaines seulement de nouvelles élections législatives au Togo. Imaginez la scène : des députés, dont le mandat a expiré depuis décembre 2023, et qui n’ont plus de légitimité se sont rassemblés nuitamment pour perpétrer un énième tripatouillage de la Constitution, sous l’impulsion d’une seule et même famille, les Gnassingbé, qui règne sur le pays depuis des décennies.

Le père, Gnassingbé Eyadéma, a tenu les rênes pendant 38 ans, et meurt en 2005, le fils, Faure a pris le relais, et après 19 ans de pouvoir sous des gymnastiques politiques, économiques et constitutionnelles rocambolesques, n’est jamais vraiment rassasié, peu importe combien il déforme la loi fondamentale du pays.

Ce n’était pas la première fois que la Constitution togolaise se retrouvait entre les mains de ces apprentis sorciers politiques. Mais cette fois-ci, le spectacle était encore plus extravagant : les parlementaires ont aboli, sans l’ombre d’un débat public, l’élection présidentielle !

Le régime togolais, autrefois présidentiel, pourtant propriété privée de la famille Gnassingbé, devait désormais se transformer en un régime parlementaire unique en son genre : un régime sur mesure, conçu pour garantir que Faure Gnassingbé garde le pouvoir sans passer par la case élection.

Mais voilà, après ce tour de magie politique, Faure Gnassingbé se retrouve dans une situation des plus délicates. Alors que le nouveau régime voté a du plomb dans l’aile et dispose d’un président de la République à titre honorifique et d’un premier ministre, il sera subrepticement revu et corrigé pour transformer le poste de Premier ministre en Président du conseil, jusque pour gonfler le poste dédié à Faure Gnassingbé. Tant, la dénomination ‘’Président’’ est incarné dans son ADN et ne peut se faire occulter.

Malgré ce tour de passe, le monarque n’est jamais rassuré de la dimension gargantuesque qu’il voudrait pour son prochain titre. Les indiscrétions sussurent qu’il aurait voulu à la fois rester président de la République et se faire nommer président du Conseil des ministres, si cela est possible. Une illusion qu’il se fait et qu’on tente non sans difficultés  de mettre en œuvre.

Cette combinaison indigeste fait rire, ou pleurer n’importe quel observateur de régimes parlementaires en Europe ou en Inde, des régimes démocratiques qu’il n’est pas osé de comparer à la salade togolaise, tant elle est inédite.

Dans tous les régimes parlementaires à travers le monde, le Président du conseil est d’abord un élu du peuple avant d’être nommé dans des conditions légales et légitimes. Faure Gnassingbé et ses suiveurs proclament à qui veut l’entendre s’inspirer de ces régimes avec la différence que lui ne veut pas, lui,  passer par les urnes.

Partout dans le monde donc, on se moque ouvertement de cette comédie togolaise où un homme tente désespérément de jouer tous les rôles à la fois, parce qu’habitué à la boulimie du pouvoir sans jamais être élu.

Et maintenant, Faure Gnassingbé est bloqué. Son plan, qui semblait parfait sur le papier, se révèle impossible à appliquer. Tiraillé entre son désir de tout contrôler et la réalité politique, il se retrouve coincé dans son propre piège, incapable de finaliser son projet de pouvoir absolu.

Le Togo, pendant ce temps, est plongé dans un chaos institutionnel où rien ne fonctionne comme prévu. Faure a voulu être trop gourmand, et voilà que son régime est en panne, incapable de faire avancer le Togo. “Quand on a tout perdu, quand on pas plus d’espoir, la vie, dit-on, est un opprobre, et la mort, un devoir”. Le grand Faure se trouve piégé dans sa propre illusion et son régime se meurt, à petit feu.

Karlos Ketohou.

Carlos KETOHOU, le 12 aout 2024