Le Ghana, îlot de stabilité dans une région en proie au terrorisme, sert-il de base arrière aux jihadistes opérant au Burkina Faso ? C’est ce que laisse entendre un article de Reuters publié jeudi 24 octobre. Des sources anonymes ont affirmé à l’agence que le pays fermerait les yeux sur les incursions d’insurgés venant s’approvisionner sur son territoire.

La porosité de la frontière nord du Ghana, longue de 600 km, soulève des inquiétudes. L’ambassadeur ghanéen a reconnu auprès de l’agence de presse Reuters que des jihadistes en profitaient pour trouver refuge au Ghana, tout en démentant l’existence d’un pacte de non-agression avec les groupes islamistes.

Le Ghana est aujourd’hui le seul voisin du Burkina Faso épargné par les attaques terroristes, ce qui alimente les spéculations. Mais Kwesi Aning, expert en sécurité et directeur du département des affaires académiques et de la recherche au Centre International Kofi Annan de Formation au Maintien de la Paix au Ghana, balaie ces rumeurs.

« Ce n’est pas parce que le Ghana a des frontières poreuses qu’il est de mèche avec des jihadistes, rapporte-t-il. Les mêmes ethnies vivent des deux côtés de la frontière, partageant une vie sociale commune comme des funérailles, des matchs de foot et des festivals. »

Sécurité frontalière renforcée

L’absence d’attaques dans le pays s’explique selon lui par l’intérêt des groupes armés à préserver cette base arrière, notamment pour exploiter les mines d’or artisanales. « Sur la question de l’or, si on regarde le volume de ce minerai qui sort du Ghana sans entrer dans les chiffres officiels, il est fort probable que les groupes armés se rendent dans les mines d’or de la région frontalière, pour en acheter. Cependant, cela ne démontre pas une complicité officielle des autorités avec les groupes armés », explique Kwesi Aning.

Face à la menace terroriste, le Ghana renforce sa sécurité frontalière. Accra a déployé 1 000 forces spéciales à sa frontière nord depuis avril 2023, et se dit prêt à collaborer avec le Burkina Faso pour « débusquer » les jihadistes. « Le Ghana a d’ailleurs construit neuf bases opérationnelles avancées dans le nord, car le pays est conscient de la menace terroriste », rappelle Kwesi Aning.

Dans un communiqué publié samedi, le ministre de la Sécurité nationale, Albert Kan-Dapaah, a fermement rejeté ces accusations, assurant qu’aucun accord tacite ni « politique de non-agression » n’existe avec les groupes armés. « Jamais nous n’avons envisagé une telle politique de non-agression. Si cela était vrai, pas besoin d’un journaliste pour le découvrir. Les agences de sécurité de toutes les parties prenantes, y compris la France, l’auraient su ».

« Si vous allez dans le nord du Ghana, vous constaterez que nous avons réalisé des investissements considérables pour assurer la sécurité de nos agents et pour acquérir les moyens nécessaires pour repousser toute attaque terroriste contre notre pays, renchérit le ministre. Nous avons beaucoup investi, et nous pensons avoir fait ce qu’il faut pour résister à toute attaque et empêcher les djihadistes de recevoir du soutien des populations vivant le long de la frontière. Nous ne vivons pas dans la crainte d’une attaque terroriste au Ghana, ni aujourd’hui ni demain. Mais bien sûr, nous sommes assez réalistes pour savoir que nous devons rester prêts, au cas où un tel événement surviendrait. »

Source: RFI